La maternité, ma maternité...
Bon aujourd'hui ça ne sera pas joyeux! J'ai cet article en tête depuis des mois...
J'ai accouché il y a 5 mois, il y a 5 mois j'ai eu la chance de donner la vie une seconde fois.
J'aime la grossesse, j'aime cet état, l'idée de fabriquer de la vie, là au creux de moi. J'aime voir mon corps changer, s'arrondir, s'amplifier, savoir que je fais ainsi de la place à un petit être si précieux.
J'avoue c'est niais, naïf et cliché! Mais je peux me permettre de faire preuve d'une très grande niaiserie pour parler de la grossesse, puisque j'ai connu les côtés moins beaux et moins clichés de la maternité. Deux fois. C'est éprouvant, vraiment!
J'ai connu tout ce que l'on ne nous dit pas, tout ce que l'on nous cache , sûrement afin de ne pas prendre le risque de voir l'espèce humaine s'éteindre. Je ne vois pas d'autre explication au fait que l'on nous ment.
Parce que oui, on nous ment! Donner la vie c'est merveilleux, oui! Mais celui qui a inventé la phrase "c'est que du bonheur" est un gros connard... Ou alors, c'est sûr c'est un homme, qui n'a donc jamais accouché, qui n'a pas été au contact d'un nourrisson, qui n'a pas écouté sa femme, qui a fermé les yeux sur tout un tas de choses. Ah oui c'est comme celui qui a a inventé l'expression, "le bébé et la maman se portent bien", hop hop, ça y est c'est fini, on n'en parle plus, rhabille toi et vis ta vie de mère! Non mais t'es qui toi pour savoir que je vais bien?? Ok je me porte bien, je viens d'accoucher, enfin/déjà, je suis bien obligée de bien me porter, de tenir droite et réveillée pour ce bébé, mais qui te dit qu'au fond de moi ça va? Tout ce que tu vois c'est l'effet des hormones, qui, garde le bien à l'esprit mon gars, contribuent laaaaaaaargement à la survie de l'humanité. Mais laisse moi le droit d'être un peu morte à l'intérieur. Pourquoi vendre du rêve à tes amis, la famille, les voisins, sans me demander mon avis??
Personne ne se rend compte à quel point ces phrases, aussi anodines soient-elles, peuvent provoquer des catastrophes! Une fois que ces jolis mots sont lancés, comment être crédible en disant, ça ne va pas, je n'y arrive pas, je me sens mal... Devenir mère c'est faire le deuil de son moi d'avant. C'est tourner une page sur un nouveau chapitre. Et parfois ce nouveau chapitre il commence mal, pourtant le teaser était beau lui, t'y as cru à toutes ces belles promesses sur la vie à 3!
Je ne sais pas comment parler de tout cela sans en faire un roman. J'ai tellement de choses en moi, tellement de sentiments entre-mêlés... Tout est encore tellement brouillon dans ma tête et pourtant mes doigts brûlent d'envie de tout balancer! Encore une phrase toute faite me revient en tête, "mais maintenant tout va bien, c'est du passé!" Oui, heureusement que tout ça est derrière moi, heureusement que c'est du passé. Mais ça fait parti de moi, de la mère que je suis.
C'est comme ça, moi je peux pas mentir! Dire que tout va bien quand ça va mal, je peux pas. Dire que la maternité est une vague d'amour magique, sans rajouter qu'elle balaye tout sur son passage. Dire que c'est que du bonheur, sans rajouter qu'avant ce bonheur il y a les doutes (les regrets aussi, ce n'est pas un gros mots que de dire qu'à des moments j'ai regretté!), la peur, la fatigue écrasante et anesthésiante. Je ne parle pas des nuits difficiles, ça on s'y fait, notre corps est conditionné pour ça, les hormones font leur boulot! Mais ta tête, elle, des fois elle suit plus! Cela veut-il dire que tu n'aimes pas tes enfants? Cela veut-il dire que tu es une mauvaise mère? Non et non! J'aime mes enfants plus que tout au monde, je mourrai pour eux, je leur filerai un rein, mon coeur s'il le fallait!
Non je veux parler de ce qu'il se passe dans ta tête quand tu deviens mère.
J'ai cru devenir folle, j'ai cru ne jamais y arriver, j'ai cru tout ce qu'on m'avait dit, je ne m'étais pas préparé à l'éventualité que tout ne se passe pas comme je l'avais imaginé. J'ai été en colère contre moi, putain pourquoi moi je peux pas vivre l'arrivée de ce bébé sereinement? (je te l'avais dit, je suis une fille compliquée) Pourquoi je n'arrive pas à arrêter de pleurer? Pourquoi mes yeux ils veulent plus se fermer pour dormir? Il est où le bouton STOP? C'est ça devenir mère? Qui pourrait me donner le code pour désamorcer cette bombe qui s'est mise en marche là dans ma tête?
Pendant de longues semaines j'ai douté de moi, de ma capacité à être mère, devenir mère je l'étais devenue, encore fallait-il arriver à l'être!
Il y a 5 ans, après une grossesse parfaite, j'ai accouché à 35 semaines d'amenhorrées, 33 semaines de grossesse, rupture prématurée des membranes. Trois jours avant, rien à signaler, visite de routine, on se revoit dans un mois madame! Elle a décidé qu'il était temps pour elle de pointer le (joli) bout de son (joli) nez, le 31 mai 2009! Ma Petite Ourse, une toute petite crevette de 2,020kg (oui c'est important les 20 grammes!). Je vous passe les détails de cet accouchement, tout le contraire de ce dont j'avais rêvé... Aussitôt a-t-elle quitté mon corps, que je me mets à pleurer. Pourquoi? Je ne sais pas, sûrement le fait de cette naissance précipitée, éprouvante (la respiration et moi ça fait douze...) et puis le fait que je ne fais que l'apperçevoir. Moi je veux la toucher, la sentir, la caresser, lui dire que je l'aime, je veux son corps tout chaud contre moi. On me la ramène dans une couveuse (dont elle sortira 5 minutes plus tard...), je la prends contre moi, d'autres personnes l'ont observer avant moi, les premiers bras dans lesquels elle a été n'étaient pas les miens. Je continue de pleurer. Pendant les 12h qu'a duré mon accouchement, on nous a préparé à sont transfert en néonat, finalement on nous la laisse, "on verra comment ça se passe!" Ok alors on doit passer des tests? Si on ne s'en sort pas vous la reprendrez? Ce sentiment de sursis est invivable. Petite Ourse est faible, ne sait pas téter, perd du poids, et, chantilly sur le cupcake, on apprend à 2 jours de vie qu'elle a une fente palatine http://www.fente-palatine.com/fentes-palatines.htmlqui n'a pas été vue aux échos durant lesquelles j'avais précisé être née moi-même avec une fente palatine, mais qui n'a surtout pas été vue par le (connard y'a pas d'autres mots) pédiatre qui l'a examiné sous toutes les coutures à sa sortie! Il a fallu que ce soit ma mère qui la voit! De suite, ça met en confiance! Toujours est-il qu'à 3 jours de vie, hospitalisation en néonat'... Moi je pleure depuis 3 jours, je pleurerai encore longtemps.
Je crois que ce qui m'a tué un peu plus à l'intérieur c'est ça. L'avoir près de moi pendant 3, et au bout du compte, devoir la remettre en d'autres mains pour qu'elle aille bien. Comme si j'avais échoué. Comme si j'avais pas réussi à passer les tests, désolé Madame vous n'y arrivez pas.
Je me souviens de la première nuit où nous avons été séparé. Je pouvais rester à la maternité mais on m'avait éjecté de ma chambre, direction l'étage gynécologie, en chambre double avec une femme qui s'était fait enlevé un kyste. Bonjour, moi on m'a enlevé ma fille, enchantée!
Après être redescendue de néonat' à plus de 22h, je me suis écroulée de fatigue. Je me suis réveillée en sursaut, en cherchant le lit de ma fille, j'ai sonné aux infirmières, le temps qu'elles arrivent j'avais repris mes esprits. J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps, j'ai entendu la femme d'à côté râlé, l'infirmière m'a regardé d'un air blasé. J'ai ravalé mes larmes et j'ai dormi.
Quand je suis rentrée chez moi, sans Petite Ourse, j'ai eu deux fois le même réveil en panique, cette peur de ne pas la trouver, ces quelques secondes à la chercher qui paraissent une éternité avant de reprendre mes esprits...
L'expérience de la néonat' a été éprouvante.
Petite Ourse a mis longtemps à savoir téter. Elle grossissait très peu. Quand elle buvait 20 ml au biberon, les infirmières lui en enfilé 40 par sonde. Du gavage.
Finalement, elle a pu rentrer, enfin! On nous a balancé ça un matin, un dimanche, un service de néonat réduit, beaucoup trop de questions laissées sans réponses! Aujourd'hui encore, je me demande pourquoi on ne nous a pas précisé qu'un bébé de 2.140kg doit boire du lait spécial jusqu'à au moins 3kg? Pourquoi nous n'avons pas eu d'ordonnance pour son oeil purulent? Pourquoi on ne nous a pas dit qu'il fallait surveiller son poids régulièrement? Pourquoi au bout de 5 ans, nous attendons toujours la visite de la psy du service?
On nous a lâché dans la nature, allez hop on a besoin d'un lit supplémentaire, au revoir!
Le lendemain de son retour à la maison, Petite Ourse ne mangeait rien, j'ai rappelé la néonat', l'infirmière m'a tout simplement répondu "si on vous a laissé sortir, c'est que tout allait bien!" Ça a fini de m'achever!
Au delà de sa prématurité, au delà de cette malformation, au delà de l'hospitalisation de Petite Ourse, même si tous ces éléments réunis ne m'ont pas aidé, je me suis retrouvée dans un état de faiblesse émotionnelle tel, que j'ai cru ne jamais sortir la tête de l'eau.
J'ai ressenti cet amour incommensurable pour ma fille dès l'instant où nos regards se sont croisés, mais immédiatement j'ai eu l'impression de ne pas être à la hauteur.
Dans les semaines qui ont suivies, après son retour à la maison, j'étais à la limite de la ramener à la maternité, ou de la confier à son père et à ma mère, et de fuir, loin. Je me sentais incapable d'acceuillir ses pleurs, ce qui a fait d'elle un bébé très silencieux, qui ne pleurait pas, comme pour ne pas me contrarier... Je me sentais incapable de lui apporter le bien être dont elle avait besoin. Personne ne m'avait préparé au fait de pouvoir ressentir ces choses là, alors je m'en voulais.
J'étais sur les nerfs en permanence, comme un zombie qui vagabonde, impossible de m'asseoir, pas moyen de fermer les yeux, cette envie, ce besoin d'être toujours en activité, je n'arrivais plus à me poser, à me calmer. Cette envie irrépressible de pleurer!
Son retour à la maison a été fastidieux, Petite Ourse buvait très peu, 40/60ml par biberon, en une heure à raison de parfois 11 biberons dans la journée... Et puis le suivi de cette fente palatine, une nouvelle hospitalisation à 26 jours pour toute une batterie d'examens afin de déceler d'éventuels autres soucis. Puis à 7 mois, l'opération. La trouille pendant 4 heures, ce réveil catastrophique, et puis ce petit bébé qui reprend le dessus, qui ne se plaint pas d'avoir les bras entravés pendant presque un mois, ce long mois de convalescence à donner le lait à la pipette, ces visites de contrôle annuelles depuis ce 8 décembre 2009.
La dépression du post-partum. Ma sage femme a mis un mot sur mes maux, on a beaucoup parlé, elle a su trouver les mots,sauf que je m'étais enfoncée trop loin, j'avais paumé l'échelle pour remonter du fond de ce puits dans lequel j'avais coulé des semaines durant.
Au bout de longues semaines à pleurer, mon médecin m'a filé des anti-dépresseurs, hop, hop, on n'en parle plus, calmez-vous madame! J'ai pris ces saletés, j'ai mis pratiquement 2 ans à me sevrer! Quand j'ai commencé à avoir les idées plus claire, j'ai écrit, comme jamais j'avais écrit. 5 ans après, je continue. Ça a été ma thérapie!
Quand mon fils est né, après une grossesse chaotique (alitement à partir de 21sa, retard de croissance, monitos, échos de contrôle et compagnie...), j'ai eu peur de revivre tout ça, de sombrer à nouveau.
J'ai eu un gros coup de barre au retour à la maison, mais en fait je n'avais pas les mêmes peurs. J'avais des peurs concernant notre organisation, genre côté matériel quoi! Niveau "émotions", ça allait, même si j'ai eu pas mal de coups de blues, des crises d'angoisses...!
Cette grossesse a été angoissante, j'ai eu peur de le perdre, tout le temps, à 21sa on vous dit très clairement "à ce stade il n'y a rien à faire pour le bébé", puis vient ce retard de croissance, "surtout si il bouge moins ou pas, venez de suite!", toutes ces visites tous les 15 jours, ces courbes qui placent ton bébé bien trop bas, même en dehors certaines fois...
Je m'étais tellement préparé au pire pendant 9 mois, que lorsque ce bébé est arrivé, que j'ai été la première à toucher (je n'oublierai jamais ce moment où le gentil jeune homme qui m'a accouché m'a proposé de le prendre moi-même...) que j'ai respiré pendant deux heures, j'ai oublié de pleurer! J'ai ri, de joie, de soulagement, je l'ai remercié d'être là et de m'avoir permis de lui donner la vie!
Mes grossesses me laissent chacune un goût d'inachevé, je me suis fait une raison. J'aimerai bien un jour savoir d'où me viennent ces angoisses, pourquoi je ne supporte pas ce passage de femme enceinte à mère. C'est bien trop éprouvant pour mon cerveau de devenir mère! Perdre pied à ce point est traumatisant, vraiment. Ça révèle en soi tout plein de choses, qui sont difficilement acceptables.
Mini Ours m'a aidé à apaiser mes angoisses, pourtant ce que j'ai vécu pour Petite Ourse me hantera toujours. J'en garde une grande amertume, j'ai l'impression de n'avoir oublié aucun mauvais souvenir, je peux raconter en détails chacune de nos visites dans les hôpitaux, chaque jour passé à la maternité... Mais me rappeler de ses premiers areuh, de son premier mot, de la tête qu'elle a fait quand elle a goûté pour la première fois à la cuillère, le son de sa voix à 5 mois... Tout plein de jolis souvenirs qui se sont volatilisés! Je m'en veux beaucoup. Alors souvent j'essaye de me rappeler.
Chacune d'entre nous vit sa maternité à sa manière, nous sommes toutes des mères et pourtant tellement différentes les unes des autres. Pour certaines c'est fluide, ça va tout seul. Pour d'autres, le chemin est plus sinueux.
Mais gardons en tête que sans nous, rien de tout cela ne serait possible!